Rien n'est éternel. Pas même les héros. En s'achevant, les grandes sagas entraînent dans leur chute les figures qui les ont portées, abandonnant à leur sort des adorateurs réduit à errer dans un paysage sans plus de repères. Un seul être vous manque...
Dans une poignée de jours sortira le dernier opus de God of War, mettant fin à la quête de vengeance entamée voilà plus de cinq ans par Kratos. Cinq ans d'une vie de joueur passée dans l'ombre du Spartiate qui, entre deux itérations, ne manquait pas de se rappeler à notre bon souvenir, soufflant rage et sang dans un coin de notre esprit afin que nous n'oubliions pas que, non, sa destinée n'était pas achevée. Et qu'il faudrait compter avec lui de par le futur.
Il y a des mois de ça, des années, nous avons accompagné Kratos dans ses aventures ; nous l'avons même incarné. L'espace de quelques heures, nous avons accepté de mettre notre vie entre parenthèses afin d'y substituer celle du Grec, lui permettant de faire germe en nous et d'y apposer son empreinte. Si bien qu'à chaque allusion d'un beat nous apparaît son image comme une rémanence. Que nous le voulions ou non, il fait parti de nous.
Mais le 19 Mars 2010, c'en sera fini de cet état de fait. Et si les Dieux de l'Olympe vont choir de leur piédestal, à cette date ils ne seront pas les seuls à devoir quitter la scène. La fin annoncée de la trilogie God of War marquera la perte d'un camarade tout autant que la naissance d'un souvenir irrémédiable. Pour la dernière fois, il nous sera donné la possibilité d'incarner Kratos et de le mener jusqu'à son but, et le nôtre depuis un lustre.
Avant de lui dire adieu.
Il y a deux ans, c'est Snake qui nous quittait, au terme d'un quatrième volet tout entier tourné vers sa chute. En dix ans, Kojima a su convertir à la cause du mercenaire des millions de joueurs, des gamers pour la plupart embrigadés dès l'adolescence afin de désamorcer la crise de Shadow Moses, les faisant, rire, pleurer et réfléchir tout au long d'une aventure épique qui plus qu'aucune autre licence, nous aura accompagnée jusqu'à l'âge adulte.
Beaucoup de nos congénères auront vu s'éteindre avec le générique de fin de Guns of the Patriots une flamme qui attisait leur passion. Combien ont délaissé le Jeu depuis ? Combien on perdu cette étincelle qui crépitait au fond d'eux à chaque nouvel écran titre ? MGS4, en marquant le terme d'une vie, a coupé le cordon qui rattachait beaucoup d'entre nous à notre adolescence. Et ce fut un déchirement tout autant qu'une délivrance.
Mais si Snake va nous manquer, cette perte était nécessaire pour achever d'en faire un héros mémorable. Et il aura fallu que Kojima pèse de tout son poids pour que les huiles au pouvoir chez Konami acceptent de laisser s'en aller la plus bankable de leurs figures. Tous les héros n'ont pas eu la même chance, et beaucoup n'en finissent pas de diluer leur personnalité dans leur propre gloire. Des Lara Croft et des Mario. Des Link, des Sonic et des Threepwood. Des personnages qui, indifféremment de la qualité des jeux desquels ils sont issus, ne sont guère plus au final que des têtes de gondoles aptes à draguer le chaland.
Un peu comme ces sportifs vieillissants qui refusent de prendre leur retraite, totalement vidé, usé jusqu'à la corde, plus phénomène de foire qu'autre chose...
Il en va ainsi des figures adulées, amoureuses de l'image (et du pécule) que leur renvoie leur public. Elles donnent autant qu'elles reçoivent, et dans cette valse à l'addiction réciproque, nombres s'oublient au point de se perdre. Pourtant, dans cette vie, une chose est immuable : à toute aube répond un crépuscule. Et le dilemme d'Achille de ressurgir...